Appel à une nouvelle Ethique planétaire

Eiji Hattori – Président de la Société japonaise pour le Système planétaire et son Ethique

Prologue

Le tremblement de terre dévastateur sans précédent qui ébranla le Japon le 11 mars 2011, laissa derrière lui, en plus des ravages d’un tsunami impitoyable, la peur des rayons radioactifs invisibles propagés de part et d’autre pour plusieurs générations par des centrales nucléaires incontrôlables, gravant ainsi dans le coeur de milliers de personnes que cette catastrophe n’était non pas totalement naturelle mais belle et bien un désastre causé par l’homme. Nous pouvons dire que l’erreur fondamentale des civilisations actuelles basées sur l’idéologie moderne de « dominer et contrôler la nature » éclata au plein jour.

Nous faisons face a une crise des « civilisations». En d’autres mots, cela signifie que le moment est venu de se repentir et comprendre que ce que nous crûmes être « civilisée» n’était autre qu’une civilisation infirme. Et si l’homme désire toujours la survie de son espèce, une sévère révision des bases de la notion de civilisation est le sujet primordial auquel nous devons nous attaquer.

Suite à de multiples délibérations la Société japonaise pour le Système planétaire et son Ethique dont je suis President, proclama un mois après la catastrophe du nord-est du Japon un « appel d’urgence » en japonais, français et anglais.

Appel à l’ouverture d’un sommet éthique des Nations unies et à la création d’une journée internationale de l’éthique mondiale

La Société japonaise pour le Système planétaire et son Ethique

Le 11 avril 2011

Président: Pr. Eiji Hattori

La crise présente à laquelle le monde est confronté n’est ni économique ni monétaire. C’est une crise des civilisations. Lui trouver une solution exige la mobilisation de la sagesse humaine à une échelle mondiale et de la manière la plus ample possible.

Le récent tremblement de terre et le tsunami sans précédent dans l’histoire du Japon, qui détruisirent la vie et les moyens de subsistance de centaines de milliers de personnes, puis mena à la tragique catastrophe de Fukushima, ne sont autres qu’un avertissement de notre «terre nourricière » annonçant à l’humanité un bouleversement de ses modes de vie, non pas seulement au Japon mais dans le monde entier.

La civilisation scientifique qui a soi-disant «conquit et contrôlé la nature » depuis le XVIIe siècle est une civilisation de la force qui conduit l’humanité vers son propre effondrement. Cette civilisation fondée sur le « principe paternel » accorde la suprématie à une seule capacité de l’homme, la raison. Maintenant le temps est venu pour nous de la transformer en une civilisation de la vie, fondée sur le « principe maternel » qui attribue la prééminence à la perpétuation de la vie.Cette conversion de paradigme est le fondement sur lequel on pourra construire une « civilisation de l’harmonie » où tous peuples ainsi que les hommes et la nature vivront en symbiose.

Identifier des valeurs éthiques transversales des civilisations puis créer des liens de solidarité entre elles, et ainsi fonder une nouvelle civilisation qui respectera le droit des générations futures de jouir d’une belle planète, est devenu essentiel.

Voilà que le Japon est hélas victime des deux usages du nucléaire : le militaire et le civil.Il s’est toujours battu sur la scène internationale pour la dénucléarisation du militaire.  Notre Association croit fermement que le Japon a maintenant le devoir de plaider pour qu’à l’avenir soit abandonné l’emploi de l’énergie nucléaire, non seulement dans son propre pays mais aussi dans le monde entier. Assurer cette responsabilité est la seule contribution envers notre planète pour ne pas rendre vaines les souffrances des sinistrés du 11 mars. La raison profonde de la crise à laquelle l’humanité est actuellement confrontée, est liée à la disparition de toute considération morale qui a touché tous les pays.

N’en restant pas seulement à épuiser les ressources naturelles des générations futures, une civilisation qui leur lègue des déchets qui resteront empoisonnés jusqu’à la fin des temps ainsi que des dettes faramineuses, est en total opposition avec toutes les éthiques fondamentales. Il est de la plus grande urgence de mettre fin à cette civilisation guidée par l’avidité qu’a  créé le fondamentalisme du marché libre.

Face à de telles circonstances, notre association appelle les Nations Unies à mettre en place le plus rapidement possible un sommet éthique international, et à créer « une journée internationale de l’ éthique mondiale » pour rappeler chaque année au monde entier l’importance de celle-ci.

La réponse à cet appel fut au-delà de nos espérances. Déjà des intellectuels de dizaine de pays le présentent sur leur site internet et nous reçûmes plusieurs propositions pour le traduire en differentes langues . L’arrêt de la centrale de Hamaoka dans la préfecture de Shizuoka à l’ouest de Tokyo par le Gouvernement japonais n’est pas sans relation avec cet appel. Il n’y a nul doûte que le cercle de solidarité des hommes et des femmes qui se préoccupent profondément du futur de notre planète et de l’humanité va fortement s’é tendre.

Le péché majeur du matricide

« L’humanité va-t- elle tuer la terre mère ? Si l’humanité, enfant de la terre, tue sa propre mère, elle ne pourra jamais survivre » ainsi écrit Arnold Joseph Toynbee dans son oeuvre, que l’on pourrait appeler son testament «Mankind and Mother Earth ». Sur la fin de sa vie, ce grand savant avertie les hommes qu’ils commirent un péché majeure en un lapse de temps minuscule, à peine un vingt millième des 6 millions d’années depuis l’apparition de l’espèce humaine. Et avec la mort de la terre mère, le rideau tombera sur l’histoire de l’humanité.

L’avertissement d’Arnold Toynbee est très sérieux. Ces 300 dernières années la moitié des forêts disparurent déjà de la surface de la terre et il ne suffit que d’une montée de température du climat de deux degrés pour entrainer une catastrophe irréversible, l’écroulement total de notre écosystème. Alors que la diversité des espèces est un facteur irremplaçable pour garder l’équilibre de l’écosystème, chaque jour plus de 100 espèces disparaissent de notre planète. De plus, la vitesse de ces disparitions augmente chaque année. Sur la planète bleue née miraculeusement dans l’immensité de l’univers, l’eau joue le rôle capitale dans la coordination de l’écosystème, mais lorsque les glaciers fondront et que la neige de l’Himalaya habitat des dieux aura disparu, les rivières rétréciront, le désert s’émancipera et la violence des inondations et des tempêtes se décuplera. Dans seulement 20 ans deux milliards de gens manqueront d’eau potable. Le chiffre de la population mondiale commença à monter vertigineusement depuis la découverte des combustibles fossiles, mais il est dit que cette population qui quadrupla rien que ce dernier siècle atteindra le chiffre maximal de neuf milliards 200 millions en 2050 puis, de là commencera à chuter. Or, cette chute du nombre de la population ne se passera malheureusement pas pacifiquement. Elle ne pourra se passer sans entrainer avec elle de grandes douleurs et pourtant peu de gens en prennent compte.

Quant le matricide a-il commencé ? Cela se passa au 17e siècle, lorsqu’en Europe la révolution scientifique commença et que l’homme fut séparé de la nature. Les homme sont « Maîtres et possesseurs de la nature » telle est la vision de la nature de René Descartes qui aboutit à la philosophie des Lumières, fondements idéologiques de la révolution industrielle à la fin du 18e siècle. Mais cette époque du Progrès qui promit une vie en rose aux hommes a en fait, à l’opposé de l’abondance de la civilisation matérielle, appauvri leur vie spirituelle. Car parmi la raison, la sensibilité et la spiritualité que sont les facultés de l’homme, les lumières proclamèrent la prédominance absolue de la raison, et l’homme disposé dans ce Zeitgeist (Esprit du temps) ne peut qu’oublier la vision holistique de la nature originelle.

De l’Etre à l’Avoir : La désertification de l’esprit

Je nomme cela « la désertification de l’esprit ». Pour comprendre ce phénomène nous devons faire attention au fait qu’à partir de cette époque le centre d’intérêt de l’homme fut déplacé « d’Être » à « Avoir ». La valeur de la personne ne fut plus mesurée par son être intérieur tel son caractère et son esprit, mais par son être extérieur c’est-à-dire ce qu’il possède. Un grand domaine, un patrimoine, le pouvoir etc. L’accroissement des possessions fut le symbole du « progrès ». Puis le colonialisme, résultat inévitable de cette idéologie, répandit cette valeur dans tout l’espace terrestre. Les nations modernes de l’Europe devenue une grande puissance grâce au développement des technologies, convoitant une encore plus grande hégémonie se mirent à « s’emparer ».

L’usurpation des ressources naturelles fut fait par l’exploitation des indigènes considérés  comme sauvages, c’est-à-dire des sous-hommes. À partir de ce moment toutes choses autres que les hommes – plus précisément les Européens, considérés comme êtres rationnels– originairement partie eux aussi de l’immense système biologique créé par la terre, planète de l’eau, furent en proie à la domination, et la terre ainsi que tous les êtres qu’elle créa furent dérobés et dominés au nom du « Progrès ». On appela cela « Civilisation ». C’est pour cela que ce terme décrit bien entendu quelque chose à l’européenne, rationnel et masculin. En d’autres mots, cette civilisation fut la « Civilisation de force », basée sur « Le principe paternel ».

Justification appuyée sur la Bible

Il y a certaines polémiques comme quoi cette idéologie suit les paroles de la Bible. Voilà ce qu’il est écrit au « Premier chapitre de la Genèse ». « Que la lumière soit », sur ses mots, le sixième jour, Dieu qui créa le ciel et la terre souffla sur une motte de terre et créa ainsi Adam et Ève = les hommes. Dieu leur dit: « Soyez féconds, multipliez, remplissez la terre, et l’assujettissez; et dominez sur les poissons de la mer, sur les oiseaux du ciel, et sur tout animal qui se meut sur la terre ».

Cette citation arrangea bien les hommes du 19e siècle dont la devise était le « progrès ». Cela paraît désormais inimaginable mais du 19e siècle où les colonisations étaient magnifiées jusqu’au début du 20e siècle, de nombreuses délibérations furent faites sérieusement sur la question « les noirs sont-ils des hommes (créés par Dieu)? ».

Malheureusement cette théorie de l’évolution fondée sur la Bible commit trois erreurs. La première est qu’elle est construite sur la présupposition sans fondement que les ressources naturelles sont inépuisables, la deuxième est qu’elle est basée sur une vision du monde Judeo- Chrétienne possédant une notion de temps qui avance tout droit, mais elle a oublié d’y intégrer l’eschatologie. La troisième finalement est la contradiction que bien qu’il soit fondé sur les mots de Dieu dans la Bible, le scientisme qui prêche le progrès tue ce Dieu lui-même.

À l’époque de la révolution copernicienne, l’homme en considérant la nature comme un objet d’observation, se dissocia de celle-ci. C’est a dire qu’il divorça de la nature. Mais nous devons faire attention au fait qu’en même temps il se désunit de Dieu. « Cogito ergo sum»( Je pense donc je suis) tel sont les mots qui résument l’idéologie de Descartes. Là s’établit l’individu moderne, l’ego en tant que sujet du cogito. Il ne reste plus rien du Dieu Judeo Chrétien. Le regard de Descartes, c’est-à-dire la raison cartésienne, devint le regard de Dieu. Car c’est un ego solitaire établi à force de douter de toutes existences jusqu’à celle des autres personnes, et cette vision du monde entier tel un objet, à part soi-même, est exactement celle d’un être transcendent, c’est-à-dire un créateur regardant le monde, de l’extérieur.

Dieu est mort

Au 19e siècle Friedrich Wilhelm Nietzsche annonça que « Dieu est mort », mais ce n’est pas lui qui l’a tué. Il a seulement découvert un« dieu mort ». Lorsque je dis dieu je parle du dieu chrétien et l’assassinat de ce Dieu se déroula en Europe où le christianisme est la base spirituelle. Dans cet écrit j’ai parlé plus haut du matricide, mais nous devons parler aussi du fait qu’en même temps s’est déroulé le patricide. Le patricide car Dieu dans le Christiano-Judaiste est « notre père qui est aux cieux ». Nous pouvons ainsi dire que la révolution scientifique fut le péché commis en Europe du « double parricide ». L’Europe anéantit à ce moment ses propres parents, la terre mère et le père dans les cieux. Nietzsche annonça la mort de Dieu, mais son siège resta là. Et les hommes modernes prirent ce siège.

Ce mouvement a en fait commencé dès la Renaissance, mais pour mieux comprendre la signification de cette guerre de la religion contre le laïcisme il nous faut remonter à la naissance de l’Europe et le moyen Âge créé par sa rencontre avec le christianisme.

L’origine de l’Europe

Interrogeons-nous sur l’origine de l’Europe, région si particulière. D’après la légende grecque, cela commence lorsque Zeus tombe amoureux de la princesse de Phénicie, Europé, et la charme en se métamorphosant en taureau. Zeus la fit monter sur son dos et traversa la mer. Ils débarquèrent sur l’Île de Crète et elle mis au monde son fils Minos, futur roi. C’est le début de la civilisation minoenne. Dans cette légende il est aussi décrit les échanges culturels autour de la Méditerranée, et l’on peut voir que la Grèce antique en elle-même était fortement liée à l’Orient, l’Égypte et la civilisation de la mer Égée.

Malheureusement cette légende fut oubliée a l’époque moderne et la Grèce fut décrite comme la ville natale du logos, c’est-à-dire de la raison moderne. « La lumière vient de l’est », l’Orient ainsi jusqu’alors idolé fut méprisé pour son manque de Logos et a cause de ses Mythos (Légendes), et fut finalement exclu tant que possible. On peut voir le résultat dans les livres d’histoire où la magnifique Grèce Antique est décrite comme si elle était soudainement apparu, telle une Vénus naquit dans l’ écume de la Méditéranée. Et le successeur de cette éblouissante civilisation fut Rome.
Rome se répandit par « La guerre des gaules » et devint un empire, mais surtout un grand changement spirituel se déroula au 4e siècle. C’est la reconnaissance officielle du christianisme aux valeurs totalement différentes de celles jusque-là reconnues. Le judaïsme qui est la mère enfantrice du christianisme est une religion du désert. Cette religion du désert fut apportée dans le vert et la mer d’Europe. On peut dire que cette union de deux éléments extrêmement hétérogènes fut un grand événement. La croyance (Credo) rencontra la société de la logique (Ratio) et de plus fut placée haut sur l’échelle de l’importance.

Cette union fut rendue possible grâce à la révolution spirituelle que le Christ accomplit dans le judaïsme. Le Coeur du judaïsme est « l’élitisme », mais Jesus Christ rejeta cette pensée et déclara tout le monde avoir le droit à la salvation. Il déclara « l’amour » être l’essence de Dieu au lieu de « la peur » connu dans le judaïsme et changea ainsi de 180 degrés la religion originale. Grâce à cette innovation le christianisme devint la religion mondiale et tel César, de Rome remonta le Rhône et s’enracina dans toute l’Europe.

On peut dire que L’histoire du Moyen Âge européen est l’histoire du syncrétisme entre l’idéologie Grecque=Logos et la spiritualité Juive=Torah. C’est une fusion de la croyance et de la logique,le Aufhebung (ou’aufheben’, dépassement d’une contradiction dialectique où les éléments négatifs sont éliminés et les éléments positifs conservés ) de la science et de la foi. Son apogée n’est autre que la philosophie Scolastique.

La philosophie scolastique, noyau de l’Europe

La philosophie scolastique dont on peut voir des signes avant-coureurs dans les travaux de Pierre Abélard au 12e siècle, atteint son apogée au 13e siècle à Paris, grâce aux étudiants de la Sorbonne regroupés du monde entier et au centre des quelles se tenait Thomas Aquinas (St.Thomas d’Aquin). Juste avant, la totalité des oeuvres d’Aristote conservées à la bibliothèque de Tolède qui avaient été traduites de l’arabe au latin, arrivèrent aussi tôt à la Sorbonne. Je tiens à signaler qu’a part les chrétiens, les Maures islamiques et les juifs aidèrent aussi à cette traduction. Thomas fit usage dans tous les sens de cette traduction en latin de la métaphysique et des sciences naturelles d’Aristote qui venaient d’arriver et bâtit une immense cathédrale de connaissance en prenant comme support la théologie doctrinale, commençant par Augustin d’Hippone.

C’est cela qui devint plus tard la Summa Theologiae (Somme théologique), « les connaissances d’or » de l’Église catholique. Mais l’union de la logique et de la croyance, cette union de deux corps hétérogènes telle l’eau et l’huile étaient destiné à se rediviser. Cette séparation, annonça le crépuscule du Moyen Âge.

Le crépuscule du Moyen Âge.

La peste noire et la pauvreté qui s’abattit vers sa fin, portèrent au Moyen Âge un coup décisif. À ce moment-là commença la déplorable page de l’histoire des inquisitions et de la chasse aux sorcières. Un monde admirablement décrit dans l’oeuvre « Eclipse de soleil » de Keiichiro Hirano. De là se créèrent deux mouvements. L’un est la renaissance, l’autre et la reforme protestante. Voici l’illustration de ce phénomène. Deux lignes se croisent tel un x formé d’un cercle au milieu. Ce cercle est la philosophie scolastique et représente le noyau de l’Europe. Les gens ont cru possible l’unification admirable de deux éléments hétérogènes grâce à la philosophie scolastique mais cela ne dura point et le logos grecque, c’est-à-dire la « logique » fut redécouverte par la Renaissance et enfanta le scientisme. De l’autre côté, la recherche du spiritualisme du judaïsme, c’est-à-dire la « croyance » mena à la réforme protestante de Martin Luther et Jean Calvin. En tant que décomposition d’un composant et du retour à la source, la réforme protestante est un mouvement pleinement fondamentaliste. Tel que de l’autre côté la redécouverte de la raison créa un autre fondamentalisme, celui du scientisme suprême.

Qu’apporta la renaissance ?

Cela n’a aucun sens de traduire renaissance par «restauration de l’art et de la littérature». La Renaissance était avant tout la redécouverte de la logique grecque et n’est autre qu’une  déclaration de l’independence de l’homme. C’est la naissance de l’humanisme dans le sens  de homocentrisme. À partir de ce moment l’homme arrête de se considérer regardé par Dieu, et devient un être regardant Dieu. Dieu lui aussi devint un « objet». Nous n’avons qu’à regarder les oeuvres de Michel-Ange dans la chapelle Sixtine. Le Christ y est représenté tel un être humain juvénile et Dieu le père telle une personne âgée. Cet endroit saint où se déroule le conclave durant laquelle on élit le nouveau Pape, cet espace entouré des oeuvres les plus grandes n’est plus le palais de Dieu mais bien le palais de l’homme. Les personnages de la Bible y sont décrit tels les héros des légendes grecques.

Comme mentionné plus haut, l’Europe qui fut initiée à la renaissance et redécouvrit la logique scientifique grecque au 12e siècle grâce au monde islamique et au peuple arabe, accomplit au 13e siècle en plein coeur de Paris l’élaboration de la philosophie scolastique, théologie extrêmement rationnelle c’est-à-dire la première philosophie. Et la logique scientifique qui y fut développée donna naissance au 15e siècle à la science naturelle. Le mot « renaissance » prend ainsi tout sons sens. Car la connaissance grecque Épistèmě (Scientia) est avant tout l’étude de la nature. Mais la vérité des sciences naturelles déclencha inévitablement un affrontement avec l’autre vérité, celle de la religion. Malheureusement peu de gens ont en mémoire les batailles acharnées qui durèrent pendant des siècles au nom d’une vérité unique.

La révolution scientifique et son caractère non éthique née du conflit ‘spirituel-temporel’

Descartes qui apprit la condamnation par l’Église catholique de Galileo Galilée, « s’avança masqué » pour reprendre ses mots. Il enfouit son travail principal « Traité du monde » et écrit au nom de la Prima Philosophia les « Meditations », oeuvre où il utilisa adroitement les termes de l’Église et où tout en affirmant l’existence de Dieu, il effaça la notion de Dieu à forme humaine du christianisme. Cela lui valu ces mots de Pascal « Je ne pardonnerais jamais Descartes ».
Nous ne pouvons expliquer l’Europe actuelle sans parler de ce conflit entre la vérité de l’Église et celle des sciences naturelles. La vérité de l’Église n’est pas seulement celle du « royaume du dieu » mais aussi « la Trinité », « la fécondation de la vierge », « la résurrection », phénomènes contre la logique scientifiquement parlant et l’Europe se démêla longtemps de ce problème grâce à la théorie des deux vérités. Dans cette théorie ont reparti les vérités en deux groupes, celles où il est question de valeur furent dédiés à l’Église et les autres dédiées à la science. Plus simplement les rôles étaient différenciés tel que « Verité pour la science , Ethique pour l’église ». Sorte de ‘ Habitat sharing’. Et ceci décida du caractère de la science actuelle. La science est « value free ». Nous devons faire attention au fait que cette position non-éthique de la science aboutira plus tard à la création d’armes inhumaine telles les armes chimiques et la bombe nucléaire.

Le problème est donc le caractère fondamentalement non-éthique de la science moderne.

En gagnant la violente bataille contre l’église commencée au crépuscule du moyen Âge, tel un oiseau libéré de sa cage, ou telle une fusée déclenchée sur sa rampe de lancement, elle s’élance de toutes ses forces des terres monothéistes de l’Europe. Ceci est la révolution copernicienne, mais nous ne devons pas oublier que la mort de Dieu y est intimement liée. La révolution française au 18e siècle, apogée des lumières, fit disparaître non seulement l’autorité royale mais aussi celle du clergé. Dieu n’existe plus dans « la Déclaration des Droits de l’Homme ». C’est un engagement entre humains, et encore plus entre citoyens.

Les 7 péchés capitaux.

Lorsque s’écroula un des deux côtés de ce système basé sur le ‘partage d’habitat’ de la vérité et de l’éthique, les philosophes se penchèrent sur la question suivante. « La morale peut-elle exister sans Dieu? » voici la question fondamentale de Descartes ainsi qu’Emmanuel Kant. Il est vrai que la science moderne développa la civilisation matérielle et contribua à l’amélioration de la médecine et des systèmes de communication, mais nous devons faire attention au fait que plus que tout le désire de possession (Avoir) se décupla disproportionnellement par rapport a l’existence humaine(Etre). La guerre fut le moteur de la croissance fulgurante de la science. Puis la fondation du capitalisme l’a dévelopé de plus belle. Cela aboutis au fondamentalisme du marché qui non seulement creusa le fossé entre les riches et les pauvres par une technique criminelle qu’est le « financial engineering » (technologie financière) mais aussi conduit la terre mère à deux doigts de son épuisement par l’usurpation de toutes ses ressources.

Le désire entraîne le désire. Voici ce que dit l’ex-secrétaire général des Nation-Unis Javier Pérez de Cuéllar dans le rapport de l’UNESCO « Signons la paix avec la terre ».
« La maladie dont les hommes sont atteint est « la surabondance » et ils ont oublié les conseils de l’ancienne sagesse qui est de ‘ savoir se contenter’  ».
Au nom de la liberté les hommes s’adonnent aux sept péchés principaux de la société décrits par Mahatoma Gandhi. ‘Une politique sans principe, la richesse sans labeur, la jouissance sans conscience, le commerce sans morale, la science inhumaine, l’enseignement sans personnalité, la religion sans sacrifice’.
Gandhi dénonce aussi, « sur terre il y a assez de ressource pour assouvir le besoin (Need) des hommes. Mais il n’y en a pas assez pour assouvir leur avidité (Greed) ».

 Qu’est-ce que la nouvelle Ethique du monde ?

Lorsque nous réfléchissons à l’essence des cultures, nous devons garder en tête le développement de la science moderne. Elle est le fruit de la bataille contre les croyances, basée sur la suprématie de la raison, mentalité qui distordit toute l’humanité, elle est l’hégémonisme qui ne tourna pas ses yeux vers la variété des cultures et la dignité des autres peuples, elle est la civilisation de la force. Si l’on appelle cela le « principe paternel », nous pensons que l’on trouvera la nouvelle logique du monde à son opposé, dans ce qu’on a négligé comme étant primitif. Ce sera une logique réunissant en harmonie la raison, la sensibilité et la spiritualité, une logique au « principe maternelle », la logique de toute l’humanité. Ce principe maternel est tel que l’a parfaitement décrit Kazuko Tsurumi « Place à la suprématie de la succession de la vie ».

Quand on y repense bien, dans cette Europe qui eut un dieu père et qui plus tard se battit contre lui, il exista une époque où elle vécut avec le principe maternel. Tel est la culture Celtique. La civilisation de la mer Égée de même. La déesse mère de la terre (Magna Mater) y vivait. Nous pouvons aussi penser que l’adoration de la vierge Marie pendant et après la Renaissance est un retour de cette déesse. Il y a donc dans les racines de cette Europe qui donna naissance à la révolution scientifique quelque chose qui se raccroche à une civilisation basée sur le « cycle de la vie », notion partagée par le « Croissant fertile » formé par le Japon qui possédait la culture Jomon, la Corée ,la Chine, l’Indochine jusqu’à l’Indonésie. C’est d’ailleurs pourquoi l’Europe donna finalement naissance à l’écologie.

Malheureusement le fondamentalisme du marché qui ne pense point à demain et ne voit que le profit d’aujourd’hui continue ambitieusement sa croissance économique sans se soucier du futur. La recherche sans fin du désir avance, brandissant un drapeau fiché du blason de la liberté. C’est l’expansion sans fin de la possession et n’a aucun rapport avec l’épanouissement intérieur de l’homme. Ce fondamentalisme du marché est bel et bien l’hégémonisme qui creusa la fosse entre les classes de la société et rependirent les graines de la guerre. Mettre fin à celui-ci est la condition pour rendre possible la symbiose de demain.

L’espoir est dans la force de rétablissement que possède l’Europe qui créa l’écologisme. Lorsque l’on se penche sur l’histoire de l’Europe on peut voir que tel un pendule, sans lasse elle revient sur ses mots et s’autocritique. Par exemple à l’époque de la suprématie de la raison, tel que pour garder un bon équilibre, le style baroque et le romanisme sont nés.

Conclusion

Nous devons prendre conscience que la désertification du monde vient de la désertification de l’esprit des hommes. Pour sauver le système terrestre nous devons trouver une nouvelle logique du monde. Nous croyons fortement qu’un changement de paradigme est indispensable. Et pour mettre sur pied cette nouvelle logique du monde, nous devons effectuer une critique intransigeante de la suprématie de la raison s’est à dire le « principe paternel » qui donna naissance à la civilisation actuelle basée sur l’avoir et une redécouverte du « principe maternelle », valeur transversale de toutes civilisations. C’est le changement de « la civilisation de la force » vers « la civilisation de la vie ». La conversion de « la culture de la guerre » vers « la culture de la paix ».

Mais nous devons surtout faire attention à l’équilibre. Cela ne doit point être seulement le rejet de la raison. Le côté paternel autant que celui maternel est indispensable à l’homme. En fait l’homme a toujours besoin de deux parents. La « valeur de base » que nous recherchons, c’est-à-dire une logique du futur partageable entre tous peuples, n’est pas seulement fondée sur la sensibilité, nous ne pourrons que l’atteindre grâce à une raison en résonance avec la sensibilité et la spiritualité, en nous mettant nous-mêmes à la place des autres. C’est ce qu’on pourra appeler le nouveau rationalisme. La situation du monde est loin des « États unis du monde» rêvés par un Kant ou un Hugo. Mais le développement de la conscience d’être « citoyens de la terre » est possible. Car tel l’a remarqué Michel Serres, si la nature qui fut déchiquetée par des hommes commence à se réunir en silence contre l’homme, ceci n’est autre qu’un « challenge » en vers l’humanité et la « réponse » à ce challenge ne peut que naître de la solidarité entre tous les peuples de la planète.